Marie-Anne Barbier
LA FORCE DES PREMIÈRES INCLINATIONS
nouvelle
RÉSUMÉ :
A Avila, deux frères avaient l'un et l'autre mal géré leur fortune. Don Henriques, qui disposait de peu de ressources, était devenu avare. Don Carlos, ruiné, avait décidé de partir au Pérou pour faire fortune, une fortune qu'il promettait de partager avec son frère. En partant, il lui laissa son fils Valère, qui avait dix ans, pour qu'il soit élevé avec sa cousine Laure, fille de don Henriques, âgée elle de sept ans. Peu à peu Valère et Laure sentirent leur familiarité se transformer en amour et Valère comptait bien épouser sa cousine.
A 15 ans, Laure était devenue très désirable et elle fut demandée en mariage par le riche don Alose pour son fils Octave, mariage qu'approuva aussitôt don Henriques, sans se soucier des sentiments de sa fille. Celle-ci, malgré son amour pour Valère crut qu'elle devait obéir à son père. Celui-ci, tout heureux, annonça la nouvelle à don Alose et à Octave, qui s'en réjouit.
Mais le peu d'empressement de Laure à accepter ce mari indisposa son don Henriques, qui se douta que l'obstacle était Valère. Il mit alors au point une machination en deux parties:
– d'une part, il exigea de Valère qu'il convainque Laure d'épouser Octave, en le prévenant que, caché dans un cabinet, il écouterait toute leur conversation; de fait, se sachant épié, Valère, la mort dans l'âme, conseilla à Laure, surprise puis indignée, d'épouser Octave.
– d'autre part, au moyen de promesses de récompenses et de menaces, dom Henriques s'assura de l'aide d'une confidente de Laure, Ynès; elle persuada Laure qu'en fait Valère aimait une soeur d'Octave; en apprenant cela, Laure, désespérée, renonça à lutter contre la volonté de son père.
Très vite, Valère voulut rencontrer Laure, sans témoin cette fois, pour lui expliquer pourqoi il avait été contrain de la persuader l'épouser Octave; mais elle refusa de le voir et il crut interpréter cela comme une preuve qu'elle ne l'aimait pas. Quant à Laure, jalouse, elle annonça à son père qu'elle acceptait d'épouser Octave, mais à la condition que Valère n'épouse jamais la fille de don Alonse, que celui-ci accordait très volontiers à Valère. Très embarrassé et pour gagner du temps, don Henriques suggéra qu'on pourrait faire croire à don Alonse que Valère ne pouvait se marier sans l'autorisation de son père, alors au Pérou.
Tout semblait arrangé et on commença les préparatifs du mariage de Laure et d'Octave. Incapable de se résigner, Valère fit encore une tentative. Il s'entendit avec son ami Anselme pour faire passer une lettre à Laure. Dans cete lettre, il expliquait que c'est à cause de la présence de son père qu'il avait été contraint de lui conseiller d'épouser Octave et qu'ensuite son refus de le recevoir ne lui avait pas permis de s'expliquer plus tôt. Il ajoutait que, résigné à la perdre, il se disposait à mourir.
La lecture de cette lettre ébranla la santé de Laure, ce qui retarda son mariage. Alors ayant décidé qu'elle ne serait à personne d'autre qu'à Valère, elle prit le parti de s'enfuir de chez son père et d'aller à Cordoue, où était Valère. Pour cela, elle demanda l'aide d'Anselme. Mais il se trouva qu'un riche seigneur, Fernand, avait conçu le projet d'enlever Laure exactement le jour où Anselme devait favoriser sa fuite.
Alors, sur la route d'Avila à Cordoue, se suivirent Anselme et Laure, puis Fernand et ses sbires, puis don Henriques et Octave. D'abord Fernand, pour s'emparer de Laure, attaqua Anselme et le blessa grièvement. Puis Valère, venu à la rencontre d'Anselme, tua Fernand. Enfin Valère et Laure furent rejoints par don Henriques et Octave, qui les escortèrent jusqu'à Cordoue. Valère fut enfermé dans une prison et Laure dans un monastère, puis, sous haute surveillance, dans une maison de campage.
Devant la Justice de Cordoue, Valère se trouva accusé d'avoir enlevé une jeune fille et d'avoir tué Fernand. Mais, au moment où allait être prononcée sa condamnation à mort, on vit arriver Anselme, guéri de ses blessures. Grâce au témoignage obtenu sous la torture d'un des sbires de Fernand, Valère fut déclaré innocent, mais Anselme fut condamné à mort comme ravisseur d'une fille.
Don Henriques promit d'obtenir sa grâce, mais à condition que Laure épouse Octave. Alors Valère alla trouver Laure pour lui demander d'épouser Octave, seul moyen de sauver son ami Anselme. Laure écrivit donc une lettre pour demander à Octave de venir la voir afin, disait-elle, qu'elle puisse se justifier auprès de lui. Par hasard cette lettre tomba sous les yeux de don Henriques, qui comprit que sa fille avait l'intention de révéler à Octave toutes les tromperies de son père, ce qui le déshonorerait à jamais.
Lorsque Octave rencontra Laure, don Henriques réussit à se cacher pour les écouter. Après qu'Octave eut reproché à Laure de l'avoir trompé, celle-ci allait lui dire la vérité sur son père. Pour l'en empêcher, don Henriques, furieux, l'interrompit, l'épée à la main. Il aurait pu la tuer si quelqu'un n'était pas intervenu: c'était don Carlos revenu du Pérou, fort étonné de voir son frère menacer une jeune fille.
Sous le coup de l'émotion, don Henriques finit par avouer par quel artifice il avait essayé de pousser Laure à épouser Octave, dont il convoitait la richesse. Alors Don Carlos, toujours décidé à partager la fortune qu'il avait acquise au Pérou, persuada Octave de renoncer à Laure. Pour le dédommager, il lui offrit sa fille, qu'Octave accepta parce qu'elle ressemblait beaucoup à Laure. A Cordoue, Anselme fut tiré de sa prison. Finalement, Valère épousa Laure et Octave la fille de don Carlos.